Le regard d’Alain Livache, commissaire d’exposition et chargé de mission pour l’art contemporain à l’ODAC.
Notre dessin n’est pas notre dessein.
Du frêle balbutiement aveugle d’un stylo sont donc nés ces dessins, « nos » dessins. Ces dessins de Sigrid Coggins réalisés à son invitation comme on le sait. Les guillemets sont de rigueur sur ce « nos », car il ne faut pas se méprendre sur leurs véritables auteurs, plus multiples qu’il n’y parait. Multiples sans aucun doute mais sans ubiquité, partagés bien sûr mais sans mélange, échangés mais sans perdition de part et- d’autre.
Oui, ces dessins disent plus de nous que de celle dont nous avons, les yeux fermés, fait le portrait. De même que les commentaires que d’aucun veulent écrire parlent aussi plus de leurs auteurs que du dessin lui-même et que de Sigrid Coggins en contrechamp.
Ce n’est pas un hasard ! Nous sommes pris dans le filet du processus à tiroirs des Sérials portraits…
On le sait, le process de Serial portrait met en exergue essentiellement ce qui se situe au-delà du résultat graphique. Face à ces dessins aveugles, y trouver quelque grâce plastique ou quelque intérêt esthétique ne pourra en être qu’une agréable opportunité mais elle restera annexe. On peu en effet s’en passer, on le devrait même sans doute, tant l’enjeu n’est pas esthétique mais avant tout relationnel.
Car ce qui s’identifie dans le graphe, c’est l’archéologie soudaine de la relation étrange et provoquée entre deux regards : celui de l’autoportraitant (le dessinateur, délégué par l’artiste pour ce faire) et celui de l’autoportraitiste Sigrid Coggins, qui pourtant ne trace aucune ligne.
Si « Je » ne peut être sans l’autre et si « Je » est un autre, alors c’est cet entre-autre qui est le vrai sujet de Serial portrait.
Et l’histoire de se poursuivre … Décidément, notre dessin est le dessein de Sigrid …
Critiques d’art récentes